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mercredi 18 avril 2012


Plus que deux semaines avant les examens finaux, voilà qui ne me rassure pas. Malgré le fait que je sois en avance sur mon travail en général, je commence à paniquer un peu. L'autre jour, Sciences Po sont venus présenter l'école dans notre campus. Un ami mexicain postule là-bas, et devrait recevoir sa réponse bientôt, je lui souhaite bonne chance pour ça. Mais assez parlé d'universités et autres !
Les activités extrascolaires, le programme de CAS du bac international (appelées Quan Cai activities) sont terminées maintenant. La semaine dernière, j'ai reçu un entretien pour le leadership de MUN, à l'issue d'un long procédé de sélection dû à la popularité de cette activité, et j'ai appris vendredi matin que j'étais désormais choisi pour diriger ce Quan Cai l'année prochaine, avec Jason (Australie) et Tiffany (Hong Kong). Je ne vous cache pas ma joie intense quand je l'ai appris, malgré mon optimisme à la sortie de l'entretien, je savais que de très talentueuses personnes avaient postulé aussi.
Du coup, ce week-end, nous avons hébergé Li Po Chun Model United Nations Conference 2012 à laquelle 150 personnes de diverses écoles locales et internationales ont prit part pendant deux jours, divisés en 9 comités, et sous l'autorité de Président(e)s membres du club MUN de Li Po Chun. Des heures de débats, beaucoup de stress pour moi qui était en charge de tout l'aspect logistique de la conférence, mais au final beaucoup de fun et un sentiment d'accomplissement, un succès ! Ainsi commence ma tâche de leader, je dois dire que je l'apprécie beaucoup, mais je sais que cette activité est la
plus éprouvante, en terme de leadership, de toutes celles proposées ici, je ne suis certes pas peu fier mais j'évite de m'enflammer, je sais que l'année prochaine, je devrais sacrifier quelques heures de sommeil en plus ! Oh, et puis vendredi dernier c'était le "jour noir", celui où les deuxièmes années finissent les cours et habituellement font des farces à n'en plus finir à leurs premières années. Alors que je sortais d'un contrôle de sciences environnementales, je me suis fait attraper et jeter dans la piscine par un groupe de 2ème années, que pouvais-je faire pour résister ? Mais c'était dans l'ensemble très jovial, ils ont fait une cérémonie pour remettre des sortes de diplômes à tous les professeurs, ont passé la journée à danser, chanter ...
Puis le soir venu, ils sont tous partis pour l'hôtel Novotel pour un dîner de graduation avec tous les professeurs, voir tous ces gens si élégamments vêtus fut d'une grande distraction ! Pendant ce temps, nous nous sommes activés pour préparer la cantine pour une grande fête lorsqu'ils rentreraient. Oeuvres d'art, projections murales hypnotiques, ballons de beaudruche dans un filet suspendu en hauteur, prêts à être lachés, sono, éclairage, boissons et pâtisseries, tout était prêt. Puis ils sont arrivés, et avec la ravissante Undine (Lettonie), j'ai été DJ de minuit à deux heures du matin, lorsque la fête fut finie, et que chacun prit la direction de sa chambre.
C'est tellement étrange de me dire que dans un peu plus d'un mois, je rentrerais en France, que mes deuxième années seront partis et que je ne reverrais surement plus jamais la majorité d'entre eux, après tant de choses partagées. C'est cela aussi, la
dure réalité d'un Collège du Monde Uni, c'est le fait que l'on crée des liens très intenses avec des gens que rien ne nous prédestinais à rencontrer.
Mercredi dernier, nous sommes allés avec ma résidence au siège d'une association locale nommée "Crossroads", qui récupère tout ce dont les innombrables riches habitants de Hong Kong n'ont plus besoin pour les envoyer dans les pays en difficulté. Des étudiants de LPC travaillent pour eux en temps normal, mais cette fois-ci, l'objectif de notre visite était tout autre, nous sommes allés faire une simulation que le président du comité des Nations Unies pour les réfugiés a lui-même faite aupravant. Après un briefing par sûrement une des plus charismatiques personnes que j'ai jamais rencontrée, nous avons reçu notre nom, et un résumé de notre condition actuelle. J'étais un enfant de huit ans, mal nourri et blessé à la tête. On m'a donné un bandage, et dit de retirer mes objets de valeurs. On a dit aux femmes de se voiler les cheveux avec un foulard qu'on leur a distribué, et on leur a interdit de parler aux hommes. Puis nous sommes entrés dans une salle. Tout à coup, des cris, des explosions, plus de lumière, des hommes armés qui entrent, crient, nous poussent à terre, des bruits de bombardements retentissent et nous assourdissent complètement.

Nous sommes entraînés par des soldats dans une autre pièce, des bruits de balles autour de nous, le sifflement fort de roquettes qui fusent, je ne sais pas quoi penser, nous traversons une salle éclairée de temps à autres par des sortes d'éclairs semblables à des explosions, il y a de la paille sur le sol, des gens inanimés au sol, un homme nous crie de faire attention, qu'il y a des mines antipersonnel au sol, une explosion retentit et un soldat est projeté au sol, on nous crie de nous dépêcher, que le camp de réfugiés n'est plus bien loin. Puis nous arrivons dans une autre salle, des soldats nous crient de nous mettre en ligne, nous traitent comme des animaux, je lis la haine dans leurs yeux. Tout le monde étant arrivé, une sorte de commandant nous jette des sortes de tentes primitives et nous ordonne de nous rassembler par groupe de 7 ou 8 et de monter notre tente dans un coin de la salle. Puis la nuit tombe, les gardes nous hurlent de dormir, toutes les lumières s'éteignent de nouveau. Ils passent dans les tentes, nous aveuglent avec leurs lampes torches, insultent presque certains d'entre nous, forcent les femmes à se voiler plus. La lumière revient ensuite, on nous fait mettre en ligne, il y a un homme inanimé au sol, le commandant hurle qu'il ne veut en aucun cas que cela se reproduise encore. Puis on nous authorise à faire quelque chose, le choix est limité entre collecter de l'eau et de la nourriture, aller à l'hôpital ou à
l'école. 
Je choisis l'école, je vais dans une salle différente où des soldats m'aboient de me rendre. Là, nous sommes entassés, je ne peux pas m'asseoir, une vieille femme nous apprends quelques mots d'un langage qui semble être du tamul, elle ne nous parle qu'en ce langage et nous force à répéter, je ne comprend rien évidemment et me frustre très rapidement. Puis revient la "nuit", on nous jette dehors et nous somme de rentrer dans notre tente, en des termes peu diplomatiques, vous l'aurez compris. Un autre jour se lève, le même scénario, un mort et le commandant qui recommence à hurler, un autre "jour" passé à l'école sans rien comprendre ou presque, passant ma tête par l'entrebâillement de la porte tant la pièce est bondée. Une autre nuit, où des soldats nous ont pris des objets de valeurs, ils me prennent ma montre, et enlève deux femmes de mon groupe, pour les "sortir d'ici" (j'apprendrais plus tard qu'elles étaient sensées servir comme prostituées).
Puis enfin, la lumière revient, et quatre mots retentissent, "The simulation is over". Je suis complètement désorienté. Puis s'en suit une heure d'intense discussion menée par le même homme qui nous avait briefé avant la simulation. Un des acteurs jouant un soldat nous explique que ce que l'on a entrevu pendant les 45 minutes de simulation, c'est ce qu'il a vécu pendant 3 années de sa vie, fuyant le Darfur. Mustafa,
mon ami iraqien, nous explique que cette simulation ne représente qu'à peine 5% de l'atrocité de la vie des réfugiés dans les camps. On parle de leur condition, de nos émotions, on discute intensément pendant une heure. Cet homme sait manier les mots, je peine à retenir mes larmes. Puis enfin le débriefing se termine, il nous remercie, et nous retournons au bus qui nous attend dehors. Je suis bouleversé, et je crois que je vais le rester un moment. Je pense qu'il s'agit de la simulation la plus incroyable et sensée à laquelle j'ai jamais participée. Et particulièrement, je commence à comprendre l'horreur qu'est l'indifférence, indifférence qu'est la notre lorsque ceci se produit partout dans le monde mais que nous sommes bien plus concernés par les sondages présidentiels et les discours vides de sens que nos dirigeants donnent devant des foules galvanisées. C'est cela aussi, un United World College. C'est cela la raison des valeurs de compassion et de service à la personne que l'on nous enseigne.

Je m'arrête là pour cette lettre, je vous écrirais bientôt.

Quentin,


Lettre du bout du monde.